Shutter Island
Il y a un avant et aprés Shutter Island. Je n'encense pas un film pour rien, mais mon sang
est encore glaçé par celui-ci.
Je ne vous parlerais pas de l'intrigue, n'importe quel bon allocine.com vous en fera le résumé.
Ce film appartient à la catégorie de ceux qui peuvent vous marquer à vie. Comme tous ceux qui vous parlent de la folie humaine et qui
vous interpellent au plus profond de vous-même: de "Vol au-dessus d'un nid de coucous" à "Platoon" en passant par "Mystic River", je l'inscris directement au Panthéon des films cathartiques.
Leonardo di Caprio a mal et nous aussi. Dès le début, on sait que le film sera aussi éprouvant pour nous autant que la traversée en bateau l'est pour son personnage. A 35 ans, l'acteur est nu
sous nos yeux. Il est loin le temps de Titanic et de sa figure de jeune premier. Le type en face de nous accuse les années qui passent, les excés en tout genre, et l'angoisse de l'avenir. Ici,
c'est Dorian Gray côté tableau. D'ailleurs, il l'a mal vécu. Ce film l'a mis K.O. Il est allé au bout d'un processus expiatoire qui l'a
broyé. Plus ses personnages se détruisent, plus sa carrière explose... On se souvient encore de sa prestation hors-normes et de sa descente aux Enfers dans "Aviator"...
Qui mieux que Scorsese pouvait lui offrir les rôles de sa vie? "Casino", " Les Affranchis", "Gangs of New York", "Raging Bull", "Taxi driver"... il nous a donné les plus grandes figures d'un
cinéma hollywoodien... d'un cinéma qui désormais se prélasse avec délectation dans la facilité et la "bankable attitude" . Des personnages forts, usés, cassés, mais qui au-delà de leurs
pires travers arrivent à dégager une grandeur et une fascination terrifiante. Des hommes avec leurs codes, leurs honneurs, leurs croyances et leur folie.
Le crime du personnage de Di Caprio est finalement assez minime. Il a tué sa femme. Vous ne vouliez pas connaitre la fin? Désolée, je vous avais prévenu... Il est pourtant l'un des prisonniers les plus dangereux de cet île de l'horreur, de ce lieu de
confinement étouffant.
La question en fait ce n'est pas son acte, c'est sa folie. Celle qui peut tous nous atteindre. C'est en cela que ce film est intemporel.
Leonardo croit dur comme fer a la rationnalité de sa vie, de ses actes et de son discours. Tout le film dénonce la folie humaine. Il n' y a ni bons ni méchants: la barbarie nazie, les crimes des
soldats américains, la mort de ses enfants, le meurtre de sa femme. Tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir. La fine ligne entre la raison et la folie est franchissable à tout moment.
Un seul acte peut nous faire basculer.
La dépression ne s'explique pas, la déraison non plus. On ne justifie jamais un suicide, on ne comprend pas un meurtre. C'est au-dela de nos capacités d'animal raisonnable. L'abomination est une
dérive du quotidien: mettre ses enfants au congelateur, enfermer sa fille pendant 20 ans dans une cave et lui faire des enfants, descendre mettre 18 balles à ses voisins du-dessous,
charmant couple avec un bébé?
Aberrant, Abominable... Les adjectifs pour décrire le sentiment à l'égard de ces actes n'existent pas. et pourtant ceux qui l'ont commis étaient comme nous tous.
Nous vivons tous sur Shutter Island. A répéter les mêmes actes, forts de nos avis, de nos jugements et du bien-fondé de ce que nous pensons. Cette
folie gronde en chacun de nous et c'est ce qui la rend angoissante. Nous avons beau la faire taire avec nos somnifères, nos anti-dépresseurs,
nos alcools et nos joints... Nul besoin d'avoir marqué neuroleptiques noir sur blanc, pour ne pas comprendre que les échappatoires sont nombreux et malgré tout tellement inefficaces... Ce ne sont
que les marches qui nous rapprochent de plus en plus des entrailles du batiment C.
J'ai passé des soirées sur ma Shutter Island, j'en passerais sûrement d'autres. La seule chose à garder en tête, c'est qu'il n'y a qu'un ferry pour quitter l'île et que nous ne pourrons
jamais tous en repartir.
A nous de faire les bons choix pour garantir nos billets retour.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=132039.html